Manger le livre en psychanalyse |
sommaire du numéro 53 Automne 2024 |
Argument
« Manger le livre » est une expression que Jean reçoit, dans l’Apocalypse (10), d’une voix venant de l’au-delà et qui ordonne de transmettre aux autres la bonne parole. Cette formule est reprise par Lacan dans L’Ethique de la psychanalyse (22 juin 1960). Elle désigne pour lui l’incorporation pulsionnelle orale du signifiant, laquelle n’amène pas à un changement d’objet mais à une transformation de l’objet en lui-même, et elle participe d’une sublimation (satisfaction pulsionnelle sans refoulement). « Manger le livre » représente la métonymie du désir comme tel, qui se pose comme condition absolue dans une perspective de Jugement dernier, au-delà de la demande et du besoin.
Gérard Haddad, dans son ouvrage Manger le livre, remarque que la formule se trouve déjà dans le Livre d’Ezechiel (2 et 3), mais non accompagnée d’amertume comme c’est le cas chez Jean. Il souligne, entre autres, combien elle contribue à cimenter les communautés des trois religions du Livre, juive, chrétienne et musulmane, ainsi que son rôle dans l’identification primordiale au père.
Il s’agit pour nous de continuer à revisiter la portée de cette formule dans son extension à la psychanalyse. Sans que cela soit exhaustif, plusieurs pistes peuvent être explorées :
Qu’est-ce qui fait objet de livre aujourd’hui ? Qu’en reste-il après qu’il ait été mangé ?
Par quelles voies s’opère l’incorporation du signifiant ? Par le passage à la lettre, au chiffre, comme structure localisée du signifiant ?
Quelle est la résonance de cette formule pour les analystes, chacun particulièrement, dans les relations sociales entre eux, et dans leurs rapports aux textes de Freud et de Lacan ?
Qu’apporte-elle à la compréhension de certaines formes cliniques : le deuil, les psychoses (Cf. Le Schizo et les langues de Louis Wolfson), les symptômes psychosomatiques, l’anorexie… ?
Quel rapport y a-t-il entre « manger le livre » comme sublimation et les symptômes ?
Sommaire
Gérard Haddad
De « Totem et tabou » à « Manger le livre ». Esquisse d’une théorie psychanalytique du Livre
Erik Porge
Manger le livre, une double métonymie
Dan Arbib
Dévoilement, prophétisme et nourriture. A propos d’Ezéchiel et de l’Apocalypse
Dorothée Muraro
Manger le livre : grand-dire avec un signifiant qui mange
Edit Mac Clay
L’incorporation des signifiants de la psychanalyse
Jean-Jacques Rassial
Parole prophétique et discours analytique
Alice Massat
L’objet de l’incorporation
David Allen
Du mot-virus parlant de Klein au parasite parolier de Lacan
Pierre Marie
Retour sur la psychologie collective
David Marino
Au fondement de la psychanalyse était le paradoxe de Russel
Lectures
Séverine Mathelin
Jean-Marie Jadin. La périphérie philosophique de la psychanalyse
Gloria Leff
Nicolas Guérin et collaborateurs. Jacques Lacan et le cas de Pearl King. La possibilité d’une psychanalyse