En psychanalyse, tout comme dans les domaines de la philosophie et du droit, le sujet est actuellement à l’honneur. Mais, pour ce qui concerne notre champ, cet honneur est bien ambigu. A la mesure de l’importance renouvelée qui paraît lui être accordée, on perçoit comme une adultération de sa définition même, de sa raison d’être dans notre pratique.
De représenté par un signifiant pour un autre signifiant, selon la très rigoureuse, et à notre avis, incontournable définition qu’en établit Lacan, il en vient à se faire signe de « nouvelles subjectivités ». Ceci d’une façon qui reste peu problématisée et surtout induit en erreur en s’appuyant sur une clinique qui n’est plus celle du sujet dans sa définition psychanalytique, puisque, comme dans la séméiologie médicale ou psychiatrique, celui-ci se retrouve alors représenté par « un signe pour quelqu’un ».
Cela rend antinomique la notion de sujet et celle de subjectivité. Le sujet est coupure, aphanisis, il s’institue dans la destitution. Le sujet ne se subjective pas. Il est moment d’éclipse qui se manifeste dans la fente de l’une bévue (Unbewusste, inconscient). Il prend la place de ce que Freud appelait « l’hypothèse de l’inconscient ». Si subjectivation il y a, elle est du ressort d’un « je », soit d’une articulation grammaticale, dont le sujet reste en dessous (sub-jet).
Ainsi, sur la base de la confusion du sujet et de la subjectivité, « les nouveaux sujets » se mettent-ils à fleurir sous la plume de certains psychanalystes : nouveaux sujets de la nouvelle économie psychique, nouveaux sujets du sinthome, ... Or, prendre la subjectivité pour le signe du sujet est le plus sûr moyen de ravaler la psychanalyse au rang de psychothérapie et la soumettre à réglementation.
Avec cette journée, la revue Essaim propose de raviver le débat que ces questions ont suscité.
Matin 9h30-12h30.
Présidents de séance : Simone Wiener et Dominique Simonney
Ouverture de la journée : Sophie Aouillé
Daniel Koren. Quoi de neuf ?
Y aurait-t-il un nouveau sujet, effet des sociétés dites postmodernes, présentant une nouvelle économie psychique, affecté par de nouvelles pathologies et induisant une nouvelle clinique ?
S’il y a une réelle nouveauté, sur quel registre se situerait-elle ?
Pour aborder ces questions, je proposerai de porter dans un premier temps un regard rétrospectif sur certains moments de l’histoire de la psychanalyse. De Freud (cf. « La morale sexuelle « culturelle » et la nervosité moderne », 1908) et jusqu’à nous, en passant par les « culturalistes » et les « néo-freudiens ».
Cette mise en perspective nous permettra dans un deuxième temps, entre différences et répétitions, de faire la part entre structure et histoire.
Franck Chaumon. Le sujet et les discours
Dans la pensée de Lacan, et ceci tout au long de son enseignement, le concept de sujet est rigoureusement défini. L’usage du terme de « nouveau sujet » ou de « sujet contemporain » en fait fi, visant plutôt les effets de subjectivité liés à la prise du sujet dans le lien social.
Encore faut-il distinguer ce qui ressort du « discours capitaliste » et ce qui relève de la police et du politique, au sens où les définit Jacques Rancière.
Nicolas Guérin. L’idéologie du déclin et la psychanalyse
Le succès récent d’un courant de critique sociale se revendiquant de la psychanalyse lacanienne appelle et ressuscite un réexamen des rapports entre idéologie et psychanalyse. Il s’agit donc d’interroger les "raisons" de ce succès en retraçant notamment l’histoire de ce courant et la généalogie de ses notions principales afin d’en tirer ensuite les conséquences, tant sur le plan de l’épistémologie, de son degré de congruence à l’enseignement de Lacan et de la politique de la psychanalyse.
Après-midi 14h30-18h
Président de séance : Michel Plon
Sylvain Gross. Crise du sujet ou sujet de crise
Le sujet, divisé constitutivement par un signifiant qui le représente auprès d’un autre signifiant dans la chaîne, est toujours en crise.
Comment l’idéologie d’une époque le marque-t-elle par les maîtres-mots qui la caractérisent ? Les crises que le sujet présente sont-elles coordonnées à celles du signifiant-maître qui ordonne la jouissance de l’objet ?
Jean-Pierre Lebrun. A propos « des conséquences graves pour la pensée analytique »
Le malentendu est de structure : il ne devrait donc pas trop nous étonner. Serait-il aussi à l’œuvre dans ce qui se présente comme une dénonciation des « conséquences graves pour la pensée analytique » ? C’est ce que nous essayerons de préciser.
Claude Léger. Les transparents
S’il est un trait qui distingue notre civilisation contemporaine, c’est bien l’idéologie de la prévention des risques : en découle une pratique généralisée de la surveillance et de l’évaluation. Celle-ci suppose la transparence des individus, dont le postulat est l’inter-subjectivité, laquelle transforme déjà, au moins pour certains, l’expérience analytique en une technique psycho-éducative.
Conclusion des débats : Erik Porge
92 bis, bd Montparnasse. Paris
9h30-12h30 14h30-18h |