Au tour de la mort |
sommaire du numéro 43 Automne 2019 |
Argument
On ignore tout de la mort – M. Valdemar (dans le conte de Poe) n’a pas pu le contredire – mais on ne cesse d’en parler. Elle existe dans les affects et par la parole et cela fait l’être. La vie en fait le tour, avant de tomber dans le trou.
Il existe des correspondances orales ou écrites avec les morts et on peut dans la vie rencontrer des fantômes ou des demi-morts.
D’où qu’elle provienne, l’intimité avec la mort reste une affaire individuelle, en dépit des rites civilisateurs qui concernent les dépouilles mortelles.
De Freud à Lacan, depuis la fonction symbolique du père mort – à partir de Totem et tabou – jusqu’à la désignation de la honte « comme le seul affect de la mort qui la mérite » (Lacan, L’envers de la psychanalyse, 18/6/70), la psychanalyse est en prise avec la mort. Une prise qui passe par les défilés inconscients des signifiants, tel celui de l’être-pour-la-mort du sujet, « soit la carte de visite par quoi un signifiant représente un sujet pour un autre signifiant ». Cette carte de visite n’arrive pas à bon port « pour la raison que pour porter l’adresse de la mort il faut que cette carte soit déchirée. »
La psychanalyse explore les voies de cette prise avec la mort, citons dans le désordre et de façon non exhaustive : la notion d’entre-deux mort (chez Antigone et Sade), la douleur d’exister, l’insupportable du délire d’immortalité, les formes de deuil, les limites de l’interprétation du rêve d’un « il était mort et il ne le savait pas », le nouage de la mort et du sexuel qui au-delà des expériences intérieures de Bataille est déterminé par notre mode sexué de reproduction, ou encore la pulsion de mort...
Il existe toujours un doute sur la mort : « La mort est du domaine de la foi. Vous avez bien raison de croire que vous allez mourir bien sûr ; ça vous soutient. Si vous n’y croyez pas, est-ce que vous pourriez supporter la vie que vous avez ? Si on n’était pas solidement appuyé sur cette certitude que ça finira, est-ce que vous pourriez supporter cette histoire ; néanmoins ce n’est qu’un acte de foi ; le comble du comble, c’est que vous n’en êtes pas sûr. Pourquoi est-ce qu’il en aura pas un ou une qui vivrait jusqu’à 150 ans, mais enfin quand même, c’est là que la foi reprend sa force. » (Lacan, Conférence à Louvain, 1972).
Sommaire
Gisèle Chaboudez
Langue morte
Dominique Simonney
Pouchkine : La carte forcée du destin
Dorothée Muraro
Paroles d’outre-tombe
Léa Mary
Pureté mélancolique : la visée de l’être, cause de l’entre-deux-morts.
Aboubacar Barry
La mise à l’écart du placenta, une modalité de fabrication d’un corps subjectif
Michael Gerard Plastow
L’émergence de la pulsion de mort chez Sabina Spielrein
Guy Le Gaufey
Un événement logique : Se découvrir mortel
Emmanuel Koerner
La mort dans la vie : du « maître absolu » à l’objet du désir. Un parcours avec Freud et Lacan
Daniel Koren
La pulsion de mort, moteur du discours capitaliste
Edit Mac Clay
Un psychanalyste sublime
Fréderic Vinot
Pratique musicale et destin du fantasme
Alexandra de Seguin
Lainé, Deligny et Nous
Documents
Thierry Longé
Présentation de l’article : Freud’ s First Year in Practice, I886-I887 de Siegfried Bernfeld et Suzanne Cassirer Bernfeld (1952)
Siegfried Bernfeld et Suzanne Cassirer Bernfeld
La première année de pratique médicale de Freud 1886-1887, traduction de Thierry Longé.
Lectures
Erik Porge
Les nœuds de suppléances. Gisèle Chaboudez, Ce qui noue le corps au langage
Jean-Pierre Cléro
En lisant La sublimation, une érotique pour la psychanalyse d’Erik Porge