La psychanalyse et le langage de la guerre |
sommaire du numéro 46 Printemps 2021 |
In Memoriam
Argument
Le mot « guerre » porte une charge de nomination puissante dans plusieurs sortes de guerre et plusieurs façons de la faire : guerre de position, guerre économique, guerre atomique, guerre froide, guerre diffuse, guerre contre une pandémie…
Les psychanalystes et la psychanalyse sont aussi traversés par ce signifiant. Quelles furent les conséquences individuelles que les guerres ont eues sur les analystes dans leur pratique ? A quelles réflexions et travaux ayant associé psychanalyse et guerre ont-elles donné lieu ?
Quand Lacan affirme (en 1967 dans La logique du fantasme, juste avant mai 1968), « l’inconscient c’est la politique », cela peut-il se corréler au fait que les fins de la politique déterminent les buts d’une guerre (Clausewitz) ?
Pour Freud et ses élèves, dont plusieurs engagés sur le front, la guerre 14-18 fut l’occasion de travaux sur les névroses de guerre et les névroses traumatiques, préludant à l’invention par Freud de la pulsion de mort, qui rencontre encore des résistances. Les travaux portèrent aussi sur la psychologie des foules : comment s’applique-t-elle aux sociétés de psychanalyse ? En 1932, Freud répond à Albert Einstein sur « Pourquoi la guerre ? ». Que répondre aujourd’hui ?
Lacan prit position pendant la guerre 39-40 en ne publiant rien pendant cette période et c’est au sortir de celle-ci qu’il publia ses travaux sur la logique collective (différente de celle de la foule), dont Le temps logique qui l’accompagnera tout au long de son enseignement. En fondant son Ecole en 1964, il la définit comme « base d’opération » contre le malaise dans la civilisation. Puis, dans sa « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’Ecole », laquelle concerne la formation même du psychanalyste avec la passe, il désigne comme le réel de l’articulation de l’intension et de l’extension de la psychanalyse les camps de concentration. La question du nouage du réel avec l’imaginaire et le symbolique est toujours en chantier.
Le vocabulaire de la guerre participe aussi du sens de notions fondamentales de la psychanalyse. Que l’on songe par exemple aux termes de résistance, de défense, de passeur… ou à la « manœuvre du transfert » et au lien de la stratégie et de la tactique avec la politique de l’analyste dans l’usage de l’interprétation. La question même de l’acte analytique n’est-elle pas empreinte d’un arrière fond guerrier avec l’exemple de César franchissant le Rubicon ou encore avec le renvoi de Lacan au livre de Jean Paulhan, Le guerrier appliqué, relativement au désêtre de l’analyste ?
En notant que l’entrée de la guerre dans la psychanalyse s’est faite à des moments historiques où les psychanalystes sont entrés en guerre, cela interroge le rapport de la psychanalyse à l’histoire (l’événement et le récit). Si l’on sait qu’un des apports de Freud a consisté à déplacer l’historicisme en introduisant la dimension de la vérité avec la reconnaissance de la réalité du fantasme dans la remémoration, qu’en est-il de l’apport de Lacan qui, stimulé par les travaux de Lévi-Strauss, Althusser, Foucault entre autres, est passé de l’histoire dans sa dimension symbolique avec un « triangle épistémologique » (Discours de Rome, en 1953) à la notion d’hystoire ?
Sommaire
Erik Porge
Un malaise dans la psychanalyse
Christophe Bormans
Cyber- ou Cerbère-thérapie ? À propos de la visio- ou télé-consultation au temps de la Covid-19
Charles Gheorghiev
Un psychiatre sur le théâtre de la guerre
Marie-Hélène Brousse
La guerre et l’errance
Per Magnus Johansson
La tradition suédoise et les chiffres
André Meynard
Le démenti, la covid-Méduse et le camp : une guerre au langage ?
Christine Dal Bon
Un rêve de l’empereur Jules César. Réflexions sur la figure du chiasme
Grigory Arkhipov
Coriolan ou le mythe du carboncle
Frédéric Vinot
Irréversible du traumatisme, réversibilité des espaces. Métapsychologie de l’habiter
Aboubacar Barry
Figures actuelles de l’ancêtre et du sorcier en clinique africaine
Tom Dalzell
La mort de Dieu chez Lacan
Michel Constantopoulos
Quelques remarques sur le rôle des affects dans l’œuvre de Freud
Lectures
Isabelle Morin
Christian Fierens, Le principe de jouissance
Luis Izkovich , Actualité de la sublimation
Erik Porge, Amour, désir, jouissance. Le moment de la sublimation
Jérémie Sinzelle
Edith Sheffer, Les enfants d’Asperger. Le dossier noir des origines de l’autisme
Document
Communiqué de l’APsaA à ses membres : « Revenir au traitement en personne pendant la Covid-19 – Si, quand et comment »
Version bilingue
Annonce du n° 47
L’en corps du psychanalyste
Annonce du livre de M. Plastow dans la collection essaim
Michael Gerard Plastow, Sabina Spielrein, poésie et vérité. L’écriture et la fin de l’analyse